Le 2 novembre, à l’Université de Montréal, j’ai prononcé une longue conférence à l’invitation de la Chaire Lexum et de son titulaire le Professeur Karim Benyekhlef ayant pour titre : L’innovation fait-elle la loi ? Réguler la technologie entre normes juridiques et techno-normativité. La vidéo de la conférence est disponible sur YouTube.
Résumé :
L’arrivée de ChatGPT fin 2022 a laissé transparaitre une panique chez les juristes et les régulateurs sur la façon de réguler l’intelligence artificielle. Cette conférence posera frontalement la question de savoir si l’innovation fait la loi, comment le peut-elle, avec quels appuis idéologiques ? Ou bien, est-elle tout simplement hors-la-loi ? Par nature hors de la portée des législateurs ? Et comment ? En utilisant la philosophie politique, la philosophie du droit, la sociologie politique du droit, le conférencier tentera de proposer une lecture du rapport du Droit à l’Innovation dans notre société occidentale pour outiller le public afin de penser cet encerclement, ce débordement de la Loi par l’innovation technologique. Cette conférence sera tirée du livre L’innovation hors-la-loi. Les origines de la techno-normativité publié chez Bruylant dans la collection « Penser le droit » en novembre 2022. L’ouvrage a été nominé au prestigieux Prix Montesquieu (Paris), récompensant le meilleur livre de droit pour l’année 2022.
Dans cette conférence, j’ai proposé des clés pour comprendre la façon dont nos ordres juridiques occidentaux tentent d’encadrer les technologies émergentes.
- 1/ il faut bien comprendre que deux réactions sont possibles, l’une jurisprudentielle (ex post) où le juge applique un régime juridique existant et l’autre (ex ante) vise la création de « lois spéciales ».
- 2/ La création de « lois spéciales » peut se faire dès que l’on perçoit à tort ou à raison une menace/un risque. On peut alors empêcher le juge de se pencher sur la nouvelle question juridique posée par la technologie émergente (comme elle émerge, il faut être un peu patient pour voir ses effets et avoir de la jurisprudence).
- 3/ Si l’impression demeure que la loi est mise en échec face au rythme des innovations, c’est que les juristes ont depuis longtemps adhéré au mythe de l’adaptation du droit aux faits.
- 4/ Le néo-libéralisme, en tant que champ de recherche en philosophie politique et non comme slogan politique, est à l’origine de la façon dont notre ordre juridique réagit au progrès technologique. Il a promu dès les années 1930 l’adaptation des lois au progrès. De nos jours, c’est une évidence mais ce ne fut pas toujours le cas.
- 5/ Nous allons vers une #technonormativité car si la loi, texte écrit et délibéré par des humains, est incapable de suivre le rythme des innovations, alors l’outil technique normera avec force juridique la société. Je suis flou sur cette question et c’est volontaire.
Benjamin Lehaire