Google encore épinglée par l’autorité européenne de concurrence : faut-il plaindre le géant du Web ?

Le 18 juillet, la Commission européenne sanctionne pour la deuxième fois Alphabet, la maison mère de Google, et Google LLC pour abus de position dominante dans le domaine des moteurs de recherche sur téléphone intelligent. L’amende d’un montant de 4 milliards d’euros est la plus haute jamais enregistrée (Schrepel,  2018).

Pourtant, faut-il plaindre Google ?

Notre réaction (à chaud) est que nous ne croyons pas en une baisse de l’innovation du fait des amendes. L’air du temps est à la gouvernance par les nombres (Supiot, 2015) et le droit de la concurrence ne fait pas exception. On peut disserter longtemps sur le bien-fondé d’une amende et Google ne manquera pas de se plaindre en appel de ce montant exorbitant certes mais qui, rapporté au chiffre d’affaires de l’entreprise et à la durée de la pratique, n’émeut guère. De plus, songeons aux entreprises qui n’ont pas pu émerger en raison de l’abus de position dominante de Google…

En effet, la Commission européenne porte des accusations graves :

« 1) Vente liée illégale des applications de recherche et de navigation de Google

Google fournit ses services et applications mobiles aux fabricants d’appareils sous la forme d’une offre groupée. (…) Google fait ainsi en sorte que son application Google Search soit préinstallée sur pratiquement tous les appareils Android vendus dans l’EEE.

2) Paiements illégaux subordonnés à la préinstallation exclusive de Google Search

Google a accordé des incitations financières importantes à certains des plus gros fabricants d’appareils ainsi qu’à des opérateurs de réseaux mobiles, à la condition qu’ils préinstallent exclusivement Google Search sur toute leur gamme d’appareils Android. Cela a porté préjudice à la concurrence du fait de la réduction significative de leurs incitations à préinstaller des applications de recherche concurrentes.

3) Obstruction illégale au développement et à la distribution de systèmes d’exploitation Android concurrents

Google a empêché des fabricants d’appareils d’utiliser une autre version d’Android non approuvée par elle (forks Android). Pour pouvoir préinstaller sur leurs appareils les applications propriétaires de Google, y compris Play Store et Google Search, les fabricants devaient s’engager à ne développer ou vendre aucun appareil fonctionnant sous un fork Android. » (voir le communiqué de presse de la Commission)

On peut raisonnablement penser que Google a réduit la concurrence dans le secteur de la recherche en ligne sur mobile. Or le droit de la concurrence ne fait pas la promotion d’entreprises utilisant des stratagèmes inéquitables pour maintenir leur place sur le marché. Si Google craint la concurrence, elle doit innover. C’est ce principe vertueux qui permet aux consommateurs de bénéficier des meilleurs services. Le droit de la concurrence n’a pas vocation à préserver les entreprises de la concurrence mais à assurer la stimulation de la concurrence. Si l’amende réduit sa capacité d’innovation, elle devra vivre avec les conséquences de son comportement. Une amende n’existe pas pour faire plaisir, c’est aussi vrai en droit de la concurrence, qu’en droit pénal général.

Ceci dit, nous sommes prêt à concéder que le montant de la sanction révèle une position ferme de l’UE sur ces questions, beaucoup plus ferme que la position canadienne, puisque le gendarme canadien de la concurrence classait sans suite ses investigations sur Google, le 19 avril 2016. Fallait-il donc aller jusqu’à un tel montant d’amende ? Il faut attendre le détail de la décision pour le savoir.

Pour ceux qui voudraient aller plus loin, j’interviendrai à l’Université de Montréal, le 20 septembre prochain, pour faire le point sur ces affaires et étudier la position du droit canadien sur ces questions. Le programme des communications est à venir…

Benjamin Lehaire

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