On apprend dans un article du Devoir que la loi 26 « Loi visant principalement la récupération de sommes obtenues à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans le cadre de contrats publics » adoptée en 2014 par le gouvernement du Québec va être contestée devant les tribunaux. L’article en dit peu sur le contenu de la demande des avocats de Tony Accurso mais les concurrentialistes canadiens ont tout intérêt à surveiller le fruit de cette action.
En effet, comme nous l’avons commenté le 20 mars 2015 à cette adresse, cette loi crée un « un super recours privé en réparation du préjudice concurrentiel » en faveur des institutions publiques. Aucun recours de ce type n’existe pour les consommateurs, sans que le législateur justifie cette différence de traitement. Si le législateur québécois s’est offert la « cadillac » des recours privés indemnitaires en droit des ententes pour ses personnes morales de droit public, le consommateur est encore sur le trottoir à attendre le bus qui l’emmènera péniblement vers une réparation.
Dans cette loi, tout est fait pour faire payer les entreprises indélicates à l’égard des règles de concurrence:
– Présomption de préjudice réfragable en faveur du Gouvernement ;
– Responsabilité solidaire des responsables du préjudice ;
– Présomption irréfragable de préjudice à hauteur de 20 % du montant total du contrat concerné. Si la personne publique réclame plus, elle devra prouver l’excédent ;
– Prescription de 20 ans pour les actions en cours le jour de l’entrée en vigueur de la loi ou exercée dans les 5 ans qui suivent son entrée en vigueur. De plus, toute action rejetée pour un motif de prescription avant l’entrée en vigueur de la loi peut être reprise dans les 5 ans après la date d’entrée en vigueur de la loi ;
– Toutes les actions en réparation introduites par le Gouvernement sont instruites en urgence par le juge saisi.
L’objectif de cette action est, selon les informations de l’article, de demander à un juge si cet arsenal extrêmement dérogatoire au droit civil général est conforme aux chartes et à la Constitution. Objectivement, pour avoir consacré ma thèse aux recours indemnitaires en droit de la concurrence, la demande semble légitime tant elle déroge au droit commun.
Affaire à suivre…
Benjamin Lehaire