Commentaire de la décision Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Telus Communications inc. – La règlementation des contrats de télécommunication relève exclusivement de la compétence du Parlement fédéral et non du droit de la consommation québécois [EXTRAIT]
La constitutionnalité des lois est un moyen judicieux de contester une infraction. Bien que constitutionnelles a priori, certaines lois provinciales peuvent se voir contester leur constitutionnalité dans le cadre d’un procès. Au Québec, province attachée à une certaine conception de la souveraineté, il arrive que le législateur agisse pour protéger davantage ses citoyens que semble ne le faire le droit fédéral. Le droit de la consommation, et la Loi sur la protection du consommateur, en sont un bon exemple. Cependant, dans le cadre de l’affaire qui nous préoccupe, cet empressement à légiférer dans le secteur des télécommunications au travers de sa LPC a conduit à l’inapplication de nouvelles dispositions pénales adoptées en 2009 au secteur des télécommunications dans le cadre de la contestation de constats d’infraction fondés sur ces nouvelles dispositions. Le moyen de défense consistait ici à reprocher au législateur québécois d’avoir adopté des dispositions ultra vires.
La défenderesse gère une entreprise de télécommunications au Canada[1]. Elle est ainsi titulaire de licences de spectre émises par le ministre fédéral de l’Industrie[2]. Le litige prend naissance suite à une intervention législative du Québec ayant pour objectif l’encadrement du secteur de la téléphonie mobile[3]. Depuis l’origine de la loi québécoise sur la consommation, en 1971 et en 1978, l’article 5 prévoyait certaines exclusions de son champ d’application. Les contrats de télécommunication étaient précisément écartés du champ d’application de la LPC, cela en raison du pouvoir de surveillance des entreprises locales de télécommunications déjà octroyé à des organismes spécialisés[4]. Survient, en 1989, une décision de la Cour suprême AGT[5] soumettant les entreprises de télécommunications interprovinciales à l’autorité du CRTC. Cette décision restreignait significativement le pouvoir des provinces en matière de télécommunication. En 1997, la Régie des télécommunications est alors abolie au Québec. En 2006, le législateur québécois, soucieux de la question du commerce en ligne, voit dans le maintien de la restriction posée à l’article 5 une incohérence suite à l’abolition de la Régie des télécommunications[6]. Dit autrement, et selon notre compréhension, la disparation de l’organisme spécialisé nécessitait d’encadrer autrement les télécommunications. La restriction avait donc perdu sa pertinence, car plus aucun organisme ne veillait sur ces contrats. Ainsi, pour la première fois, les contrats de télécommunications devenaient assujettis au Titre 1 de la LPC[7]. En 2009, un nouveau pas est fait. L’objectif est d’encadrer les contrats de services de téléphonie sans fil[8]. Le Québec excipe ce projet de sa compétence en matière de propriété et de droits civils[9]. Les nouvelles dispositions entrent en vigueur le 30 juin 2010. Fort de ces nouvelles dispositions, l’Office de protection du consommateur diligente une enquête sur des contrats de la défenderesse. Elle recommande au Directeur des poursuites criminelles et pénales d’intenter une poursuite contre elle, ce qu’il fait. Ainsi, la Cour du Québec est saisie de la constitutionnalité de ces dispositions puisque la défenderesse invoque la compétence exclusive du Parlement fédéral en matière de télécommunication pour déclarer ces dispositions inapplicables et inopérantes. Il faut dire que 4 ans après la première intervention du Québec, en 2009, le CRTC s’est doté d’un code complet sur ces questions de contrat de télécommunication à l’ère d’Internet.
La suite dans La Référence des éditions Yvon Blais, Répères, juillet 2019, EYB2019REP2789.
La décision est accessible ici.
[1] Par. 16 de la décision commentée.
[2] Par. 14 de la décision commentée.
[3] Par. 43 de la décision commentée.
[4] Par. 49 de la décision commentée.
[5] Alberta Government Telephones c. Canada (C.R.T.C), [1989] 2 R.C.S. 225.
[6] Par. 60 de la décision commentée.
[7] Par. 62 de la décision commentée.
[8] Par. 68 de la décision commentée.
[9] Par. 70 de la décision commentée.